Il est partout et il n’est nulle part encore.
Enfin, j’espère.
J’espère ne pas l’avoir sans le savoir.
Certains aimeraient bien le savoir.
Mais à quoi bon. De toute façon, même si on fait des tests, cela ne veut rien dire puisqu’une heure après, on peut être contaminé. Et alors, c’est pire encore, car on pense être sain, et en fait, on en contamine d’autres.
Et les tests réclamés par certains ? À quoi bon dépenser toute cette énergie en pleine guerre ?
Gardons les tests pour après.
Pour quand on aura gagné et qu’on voudra être certains que plus rien ne reste de lui.
Pour ne pas faire comme dans le film Alien 2 où il reste encore un oeuf.
Alors, depuis plusieurs jours, depuis plusieurs semaines, moi, seul(e), je lui fais la guerre.
On ne peut pas lui faire la guerre en bataillons, en groupes.
On doit tous être des snipers, on doit tous entrer en guerre avec lui, contre lui, individuellement.
Seul(e)s, isolé(e)s, on doit chacun, chacun d’entre nous, lui faire la peau.
S’il ne trouve aucune cellule dans laquelle s’incruster où il pourrait répliquer son ADN à lui au lieu de celui de nos cellules, il sera cuit, foutu, mort.
Alors, je m’entraîne chaque jour pour le jour où…
Pour le jour où j’aurais baissé la garde une seconde, une fraction de seconde, où une personne aura éternué près de la pomme que je viens d’acheter et que sans le savoir, sans même m’en apercevoir, je me serai gratté le nez sans m’en apercevoir, avant même d’être rentré(e) me laver et laver tous les fruits.
On ne sait jamais….
Donc, je m’entraîne.
Je suis le nouveau Navy SEAL de l’armée en guerre contre l’Empire de la Couronne, en lutte contre la Couronne.
Je suis Rambo, seul(e) dans cette jungle de bactéries et de virus. Seul(e). Un Rambo qui doit ramener les êtres qui lui sont chers à la maison.
Je suis la nouvelle recrue de Men In Black. Devant ce nouvel extra-terrestre que l’on se doit de dégommer.
Mais pour qu’il meurre, contrairement à toutes les batailles ancestrales, les dernières guerres, les derniers conflits, les derniers attentats kamikazes des lâches, pour gagner, il faut l’éviter.
Toutes les guerres précédentes ont été des guerres où, pour gagner, il a fallu être plus fort, plus persuasif, plus intelligent, plus unis que l’adversaire.
Dans cette nouvelle guerre, il faut au contraire fuir, éviter, l’éviter et le combattre en corps à corps.
On ne gagnera tous, nous, humains, bons hommes ou bonhommes que si chacun de nous l’évite, que si chacun de nous le laisse dépérir. Il ne mérite que ça.
Il se reproduisait tranquillement sur quelques animaux, sans les tuer, presque en symbiose et il aurait pu continuer ainsi. Mais non, il a souhaité conquérir de nouveaux territoires, de nouveaux ADN. Le nôtre.
Il s’est trompé de cible. Nous allons tous – séparément – individuellement – le négliger et le replacer là où il aurait dû rester.
Alors je m’entraîne.
Faites comme moi.
Il s’attaque à nos voix respiratoires ? Alors les nôtres vont être au top.
Nous ne serons pas comme des débutants qui ne respirent qu’avec une partie, une toute petite partie de leurs poumons.
Quand j’étais jeune, dans le bureau de mon père, il y avait un spiromètre.
Un parallélépipède gris argenté. Gros de 40-50 cm de longueur, 30 de largeur et 20 de profondeur dans mon souvenir… Pas d’électronique ni d’électricité. Juste un tuyau de caoutchouc noir. Une sorte de cadran qu’on aurait pu prendre pour une horloge de gare.
J’aimais, quand je revenais de l’école et que je passais par son bureau, qu’il me confie un petit tube en carton (et oui, nous luttons aussi aujourd’hui pour ne plus avoir de paille en plastique, mais à l’époque, les « pailles » étaient en papier… et cela ne dérangeait personne !). Le petit tube était blanc, d’un centimètre de diamètre environ. Doux dans ma bouche.
Je plaçais le petit tube sur le tuyau pour des raisons hygiéniques. Papa libérait alors l’appareil en faisant basculer un bouton, et hop !
Je prenais plusieurs grandes respirations, abdominales, comme je l’avais appris dans le livre « Le Yoga Pour Tous » de Desmond Dunne, comme mes professeurs de chant me l’avaient conseillé.
Et quand je me sentais prête, je soufflais tout ce que j’avais dans les poumons dans le tube. Tout. Jusqu’au dernier souffle. Jusqu’à la dernière molécule de dioxyde de carbone. Tout.
La grande aiguille bougeait encore. Encore…
…
Puis plus rien… plus rien ne sortait de mes poumons… et alors, papa pouvait me dire quelle était ma capacité respiratoire. Bien entendu, je n’avais aucune maladie pulmonaire. Ces tests ne servaient donc que pour moi. Par esprit peut-être, de compétition ou de progrès ?
Je voulais faire mieux que la dernière fois où j’avais essayé.
Et maintenant, c’est cela que tous, individuellement, nous devons travailler : notre capacité respiratoire.
Réapprendre à respirer avec tout notre corps.
Chaque alvéole de nos poumons doit être prête à résister. À entrer en guerre. Et pour cela, il faut lui apporter tout ce dont elle a besoin :
Respirer avec l’intégralité de nos poumons. Pas seulement le haut. Il faut que chaque alvéole pulmonaire ait la capacité de se déplier et de se remplir de l’air vital, puis de se contracter sous l’effet de nos muscles et de notre cage thoracique pour éliminer nos déchets.
Nous devons faire en sorte de le muscle du diaphragme soit prêt, entraîné.
Pas seulement à de courtes respirations, mais à des respirations plus amples. Plus profondes. Longues.
Résister. Lui résister s’il essaie d’attaquer !
S’il attaque, il va le faire en envahissant les cellules pulmonaires et nous ne devons pas lui laisser envahir tout.
Il n’attaquera pas partout à la fois. Il ne peut que progresser d’alvéole en alvéole, de cellule en cellule.
Et nous, nous devons résister et mettre d’autres alvéoles en ordre de bataille pour que nos autres cellules reçoivent le précieux dioxygène.
Et puis entre le 4e et le 7e jour, alors que notre corps se bat contre l’Empire de la Couronne, nos défenses immunitaires, heureuses de remporter des victoires contre cet intrus viral, s’emballent, produisent trop, en trop grande masse et inondent nos poumons de cellules immunitaires.
Elles limitaient les dégâts et réparaient les tissus dans un premier temps, mais là, chez certains, le système immunitaire est tellement victorieux qu’il ne sait plus arrêter et doser la réponse… et commence même à détruire nos propres cellules, y compris les tissus sains.
Alors, je m’entraîne aussi à cette étape de la guerre.
Certains vont trouver cela dérisoire. Certains vont me comprendre : Mon entraînement personnel : la méditation.
Contrôler sa respiration.
Prendre le contrôle de ses pensées, de son propre corps.
« Connais-toi toi même »
Cette devise inscrite au frontispice du Temple de Delphes et que Socrate a fait sienne. Je la prends au premier degré. Me connaître. Connaître mes réactions.
Choisir de les laisser aller ou de les calmer.
Choisir que telle réponse du coeur est la bonne ou choisir de la laisser m’envahir, parce que j’ai envie de la ressentir.
Chaque jour, en plus des pompes et du gainage, je médite et je respire.
Et je vous invite à en faire autant.
Respirer. S’entraîner en s’amusant. Tous les types de respirations.
Savoir haleter, longtemps.
Savoir faire toutes les respirations du Pranayama, car toutes sont nécessaires, chacune d’elles : Le souffle en plusieurs parties, les respirations alternées, et même la respiration Kapalabhati qui peut étourdir, mais qui est tellement énergisante, et le Shitali qui permet de refroidir l’air qui entre dans notre corps.
Dans l’attente d’un vaccin, il nous faut résister. Et certainement qu’il sera déjà mort, disparu de la surface de la Terre avant.
Mais nous, tous, nous pouvons agir pour vaincre l’Empire de la Couronne, sans attendre, pour que ses soldats retournent à la poussière.
Ils sont inertes et ne savent pas se reproduire seuls. Nous ne devons pas être naïfs non plus. Il y en aura d’autres. Mais nous serons de plus en plus forts aussi. Nos défenses immunitaires aussi. Et notre préparation encore meilleure.
Il y aura d’autres remake de Rambo, d’autres de Men In Black, d’autres attaques, mais nous serons de mieux en mieux préparés. Et tous ne sont pas aussi furtifs et rapides que celui-ci.
Alors restez chez vous, respirez, méditez et préparez-vous au combat !
Comme dans Kaamelott, courageux, peureux comme Bohort, ou magiques comme Perceval, bombons nos torses, respirons et crions tous « Pays de Galles indépendant !!!! » !
Si cela intéresse certains, je vous ferai même des tutoriels et des séances de méditation guidée.
Nous devons monter notre armée.
Elisabeth
Je l’ai écrite en écoutant en boucle le titre « Salamandar Battle » de Steve Jablonsky, la bande annonce du film Ender’s Game / La Stratégie Ender, lui-même tiré du roman d’Orson Scott Card.